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Pesticides et santé, les liaisons dangereuses

Alors que l’utilisation de glyphosate pourrait être renouvelée prochainement par la Commission européenne, suivant en cela l’avis de l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa), nous vous invitions à (re)lire cet article tiré d’une communication de l’Inserm en 2022. Il est édifiant, à la fois sur l’impact des pesticides sur la santé, et sur le déni de certaines instances officielles.

Les pesticides sont de nouveau pointés du doigt par les scientifiques… Après une première expertise collective rendue en 2013, l’Inserm a réuni un groupe de chercheurs pluridisciplinaire*, afin d’actualiser les connaissances sur l’impact des pesticides sur la santé. L’examen porte également sur les effets sanitaires de deux substances actives (chlordécone, glyphosate) et d’une famille de pesticides (fongicides à large spectre SDHi), c’est nouveau par rapport à 2013. Au total, plus de 5 300 documents scientifiques récents, émis à l’échelle internationale, ont été passés au crible. Et sans grande surprise, les résultats confirment ou établissent le lien entre l’exposition aux pesticides et certaines maladies…

Pesticides et santé chez l’adulte

L’expertise collective de 2021 confirme en effet l’existence d’un lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et six pathologies (présomption forte). A savoir : les lymphomes non hodgkiniens, le myélome multiple, le cancer de la prostate, la maladie de Parkinson, les troubles cognitifs et la bronchopneumopathie chronique obstructive/bronchite chronique. Une présomption de lien moyenne existe également avec la maladie d’Alzheimer, les troubles anxio-dépressifs, certains cancers (leucémies, système nerveux central, vessie, rein, sarcomes des tissus mous), l’asthme et des pathologies thyroïdiennes. Ce constat concerne principalement les professionnels. Mais pas seulement, puisque l’expertise intègre également les études portant sur la population générale, du fait d’une exposition environnementale.

Pesticides et santé chez l’enfant

On le sait : à certaines périodes de la vie, nous sommes tous très vulnérables face à une exposition à un agent toxique. C’est le cas de la grossesse et de la petite enfance. Ainsi, les documents récents analysés par le collectif d’experts permettent de préciser le type de leucémies qui menacent l’enfant, lors d’une exposition pendant la grossesse. En l’occurrence, des leucémies aiguës et la leucémie aiguë myéloïde, selon les cas. Par ailleurs, ils mettent en évidence un nouveau lien avec le risque de leucémie aiguë lymphoblastique (présomption moyenne), en cas d’exposition professionnelle du père pendant la période pré-conceptionnelle.

Concernant les tumeurs du système nerveux central, l’expertise confirme la présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle des parents aux pesticides pendant la période prénatale. Tout aussi inquiétant : l’analyse des documents récents conduit à la même conclusion, en cas d’exposition domestique aux pesticides pendant la grossesse ou l’enfance. Idem pour les troubles du développement neuropsychologique et moteur de l’enfant, si la mère a été exposée aux pesticides pendant la grossesse, dans le cadre de son activité professionnelle ou pas. Les travaux analysés confirment un niveau de présomption fort, notamment pour la familles des organophosphorés.

De même, les études récentes mettent toutes en évidence un lien entre une exposition aux pyréthrinoïdes pendant la grossesse et l’augmentation des troubles du comportement, tels que l’anxiété (présomption forte). A noter que ces résultats sont en phase avec les données toxicologiques récentes. Pour rappel, l’usage des pyréthrinoïdes connaît une augmentation, car ils sont utilisés pour remplacer les insecticides organophosphorés… Un vrai cercle vicieux.

Chlordécone, glyphosate… De nouvelles préoccupations

Par ailleurs, les différents travaux scientifiques examinés font émerger de nouvelles préoccupations. Celles-ci portent notamment sur les effets indirects de certains pesticides sur la santé humaine via les écosystèmes. C’est le cas, notamment, du chlordécone, qui fait beaucoup parler de lui depuis quelques mois. Et pour cause ! Très utilisé aux Antilles françaises jusqu’en 1993 dans la culture des bananes, cet insecticide se retrouve aujourd’hui à fortes doses dans les milieux naturels. La consommation d’aliments contaminés a entraîné une contamination importante de la population. Le rapport de cause à effet entre l’exposition au chlordécone et le risque de survenance d’un cancer de la prostate est jugé vraisemblable.

Concernant le glyphosate, l’expertise conclut à une présomption moyenne de lien avec le développement des lymphomes non hodgkiniens. Des liens pourraient exister à propos du myélome multiple et des leucémies. Mais les résultats sont moins solides, estime le groupe d’experts, en se fondant sur des études expérimentales de cancérogenèse menées chez les rongeurs.

Enfin, l’analyse inclue également des documents récents portant sur les SDHi. L’utilisation de ces fongicides à large spectre remonte à 30 ans. Pourtant, il n’existe pratiquement aucune donnée épidémiologique sur leurs effets sur la santé… Les études expérimentales menées sur des poissons laissent entendre que certains SDHi peuvent avoir des effets perturbateurs endocriniens, au moins dans le modèle utilisé. Par ailleurs, certains montrent des effets cancérogènes sur les rats et les souris. Un mécanisme que l’on ne peut pas extrapoler à l’être humain, expliquent cependant les membres du collectif. Conclusion ? Le groupe d’experts souligne la nécessité de poursuivre les recherches, afin d’améliorer l’évaluation et de combler le manque de données chez l’humain.

Vous voulez en savoir plus ? Le détail de cette expertise collective est disponible sur le site de l’Inserm. A partager et repartager…

*Cette expertise collective a été réalisée à la demande de plusieurs directions générales : prévention des risques, santé, travail, recherche et innovation. Le secrétariat général du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation est également associé. Les résultats ont été rendus publics à l’été 2021.

Crédit photos : ©Pixabay

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