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Un drôle de végétal dans l’assiette, le lichen

Par Nathalie Giraud

Cette mousse particulière pousse sur les arbres, les sols, les glaciers et même les déserts : c’est l’un des végétaux les plus résistants au monde. Seules les pollutions et la gestion anarchique des forêts réussissent à détruire cet organisme mi-champignon (à 90%) et mi-algue. A tester dans l’assiette et à récolter avec parcimonie… Histoire de mettre un dinosaure du monde végétal dans nos recettes !

Son rôle dans le développement d’un écosystème est si important que le métier de lichénologue lui est dédié. En effet, Clother Coste, qui enseigne la lichénologie à l’Université d’Albi et auteur d’un herbier de 4500 lichens différents – 20 000 ont été repertoriés dans le monde -, raconte l’histoire mystérieuse de ce végétal : il serait apparu à la première époque de l’histoire de la terre, à l’ère précambrienne, quand il y avait une seule terre et un seul océan. Pour résister à leur environnement, une algue et un champignon se seraient transformés en lichen, et celui-ci aurait colonisé les premières terres immergées, favorisant ainsi la croissance des autres végétaux. Aujourd’hui, ce sont uniquement trois variétés de lichen qui nous intéressent en dégustation : les Evernies (Evernia prunastri), l’Usnée barbue (Usnea barbata) et le lichen pulmonaire (Lobaria pulmonaria).

Où le récolter ?
Préférez les lichens qui se trouvent dans les grands arbres des forêts anciennes et préservées, lieux protégés des pollutions. Poussant très lentement (4 mm par an), cueillez en petite quantité : il faut compter 2 poignées pour un plat pour 4 personnes environ. Et surtout, ne prélevez pas de lichen aux abords des routes, des zones industrielles, des centrales nucléaires ou encore près des champs cultivés aux pesticides car ces végétaux absorbent toutes sortes de particules, à l’instar des champignons. Déjà indicateur de pollution, le lichen pourrait aussi devenir indicateur du réchauffement climatique selon les lichénologues.

Dans l’assiette
Le lichen se déguste toujours cuit, non seulement pour le débarrasser d’éventuelles impuretés, mais aussi pour que sa saveur délicate et puissante imprègne les aliments avec lesquels il mijote. De plus, comme la pomme de terre, il contient des acides très difficiles à digérer quand ils sont crus. L’espèce Evernia prunastri, qu’on appelle aussi Mousse de chêne, offre des goûts très aromatiques de sous-bois légèrement sucrés. Au Japon, on prépare le Lobaria pulmonaria, qui ressemble à des alvéoles comme des poumons, frit comme un légume. Quant à l’Usnée barbue qui pend aux branches des arbres comme des barbes anciennes, elle offre une saveur plutôt balsamique. En Chine où les lichens font partie de la tradition gastronomique, on les cuisine notamment avec des huîtres. A tester aussi avec des poissons, de l’ail et de l’huile d’olive (voir les recettes dans le < Manifeste Gourmand des herbes folles >, de Diana Ubarrechena, George Oxley et Gérard Ducerf, aux éditions du Toucan).

Il est bon pour…
Ces thalles touffus vert pâle possèdent des polyphénols et des actifs antibactériens. Le lichen pulmonaire est notamment utilisé en homéopathie contre les rhumes, les toux sèches, les sinusites et les trachéites. Dans les pharmacopées anciennes, on retrouve du lichen dans de nombreuses potions (contre la coqueluche), contre la fièvre (à l’instar de la quinine), ou encore comme tonique (en décoction mélangée à de la poudre de cannelle, du sucre et de l’eau). A l’heure actuelle, l’activité antioxydante des composés lichéniques est observée par les scientifiques, notamment dans la recherche contre le cancer.

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