On connaît l’importance de la vitamine D sur notre santé osseuse. En revanche, son rôle sur certains systèmes, le système immunitaire notamment, a longtemps été sous-estimé, voire négligé. Pourtant, on le sait : les enfants carencés en vitamine D développent davantage d’infections virales hivernales et de manifestations – comme l’asthme – que les enfants non carencés. Par ailleurs, sur le plan épidémiologique, il a été montré que des taux insuffisants de vitamine D étaient associés à des risques accrus de certains cancers (du sein, colorectal, de la prostate), explique le Dr Marie-Christine Boutron-Ruault, en s’appuyant sur une littérature médicale et scientifique nourrie. Le point sur les bénéfices d’une complémentation en vitamine D – et en zinc – avec cette médecin interniste, nutritionniste à l’Institut Mutualiste Montsouris de Paris, également docteur en nutrition, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm.
1.Indispensable et pourtant méconnue Vitamine D…
BienFaits pour nous : pourquoi et à partir de quand est-on en déficience de vitamine D ?
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault : l’organisme est en déficience de Vitamine D lorsque son taux est entre 10-20 ng/ml. On parle de carence lorsqu’il est inférieur à 10 ng/ml. Pourquoi ? A partir d’octobre, les taux de vitamine D baissent dans notre organisme, et la prévalence des déficiences et des carences augmente considérablement, du fait principalement d’une exposition insuffisante et d’un manque de soleil. Le phénotype cutané joue aussi un rôle important. Une exposition « normale » au soleil, de juin à août, permet d’atteindre des taux corrects entre juillet et septembre – il y a un décalage d’un mois. D’où la nécessité de complémenter la population sous nos latitudes entre octobre et mai-juin, selon le niveau d’ensoleillement de l’année et l’exposition des sujets.
Sommes-nous tous égaux face à cette déficience en vitamine D ?
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault : pas vraiment. Les personnes à peau foncée – ou exposant peu de surface corporelle au soleil – doivent être complémentées de façon plus importante que les phénotypes à peau claire, et ce toute l’année. La masse grasse joue aussi un rôle important : comme il s’agit d’une vitamine liposoluble, une dose plus importante de vitamine D doit être prescrite aux personnes présentant une obésité. Cela étant dit, sous nos latitudes, même un phénotype à peau claire est associé à des taux inférieurs à 20 ng/ml à partir de l’automne.
Cette baisse a-t-elle un impact sur notre résistance à la Covid-19 ?
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault : des publications récentes se sont penchées sur l’impact d’une déficience en Vitamine D lors des deux premières vagues de la Covid-19 dans les pays européens. Faute d’études dédiées, il existe surtout des preuves indirectes, qui tendent à montrer le bénéfice à optimiser les taux sériques de vitamine D en période de Covid. Par exemple, les patients atteints de Covid sévère sont deux à trois fois plus souvent carencés sévèrement en vitamine D que le reste de la population. En revanche, il n’y a aucun argument laissant craindre un risque en cas de complémentation pour atteindre un taux recommandé.
Prises quotidiennes ou bien espacées, quelle est votre recommandation ?
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault : chez les personnes minces ou maigres, il est recommandé de privilégier les prises quotidiennes. Plus généralement, les données disponibles plaident davantage en faveur des doses quotidiennes, plutôt que des « bolus », que l’on administre en une seule prise, probablement parce qu’elles permettent de maintenir un taux plus stable sur la durée.
Bon à savoir : si la carence augmente le risque de maladie, l’excès de vitamine D peut également être dangereux. Donc, attention à ne pas se surdoser ! Pourquoi ne pas demander un dosage en vitamine D à son médecin, pour savoir si l’on est beaucoup, un peu, ou pas carencé ? Attention : cet examen n’est pas remboursé ! « Une analyse au bout d’un mois de compléments peut être un luxe utile, car elle permet de vérifier que le dosage proposé est bien adapté », précise le Dr Marie-Christine Boutron-Ruault.
En pratique : la vitamine D est disponible en pharmacie, sans ordonnance, notamment sous la forme d’ampoules à 100 000 unités (prises bolus) ou de gouttes (prises quotidiennes).
Les recommandations du Dr Marie-Christine Boutron-Ruault :
–Poids normal ou maigre : privilégier une dose en gouttes quotidiennes, autour de 800-900 UI/jour. Soit 4 gouttes/jour de Dedrogyl (1 goutte = 5 ng = 200 UI), ou 3 gouttes/jour de Zyma D (1 goutte = 300 UI).
–Peau claire et obésité de grade 2 et 3 : 1 ampoule d’Uvédose 100 000 U/mois
–Peau claire et surpoids ou obésité de grade 1 : 1 ampoule toutes les 6 semaines.
–Peau mate à foncée : augmenter un peu les doses. Par exemple : 1 ampoule d’Uvédose/mois chez une personne à peau très foncée, quelque soit le poids.
2.On surveille aussi ses dosages en zinc !
Pour renforcer le système immunitaire, vous recommandez aussi le zinc. Vous pouvez expliquer ?
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault : le zinc est un métal aux propriétés physiologiques fondamentales, notamment pour de nombreuses activités enzymatiques et comme stabilisateur de membrane des mastocytes (réduction des réactions allergiques). Sa carence est fréquente, et très insuffisamment connue et prise en charge. Le zinc joue un rôle fondamental dans les réactions immunitaires, notamment antivirales. Son rôle a été clairement établi en ce qui concerne l’EBV (responsable de la mononucléose infectieuse, notamment), le VIH ou l’hépatite C, par exemple. Son intérêt dans la prévention ou la réduction de la gravité de l’infection par Sars-Cov-2 est probable, même si les preuves formelles ne sont pas encore établies.
Quels sont les signes d’une carence éventuelle ?
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault : une carence relative en zinc peut survenir aux saisons intermédiaires, à l’automne et au printemps, de même qu’en période de chute hormonale, la semaine précédant les règles chez la femme, notamment. Les signes d’une carence sont la chute de cheveux ou les ongles cassants. Sur le plan biologique, on peut observer un taux bas des phosphatases alcalines. Les faibles mangeurs de protéines animales sont très souvent carencés en zinc, de même que les sujets ayant de la diarrhée.
Bon à savoir : pour connaître son dosage en zinc (« zincémie »), une prise de sang est nécessaire. Contrairement au dosage en vitamine D, l’analyse est remboursée par l’Assurance Maladie.
En pratique : trois formes de zinc (dosées à 15 mg de gluconate de zinc) sont disponibles en pharmacie sans ordonnance. Ils peuvent aussi être remboursées sur prescription.
Les recommandations du Dr Marie-Christine Boutron-Ruault :
Effizinc et Rubozinc : 1 gélule/jour pendant le repas, trois fois par semaine. Tous les jours chez les sujets ayant des signes de carence ou une carence avérée après prise de sang.
Ou Granions de zinc : mêmes doses. Bien diluer l’ampoule dans un grand verre d’eau et prendre avec un repas, car certaines personnes sont hypersensibles aux métaux. Sinon, gare aux vomissements !
3.Penser aussi aux bienfaits de l’activité physique et de la lumière !
Quel rapport entre activité physique, lumière et immunité ?
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault : le télétravail et la sédentarité sont responsables d’une baisse de l’activité physique quotidienne et de la pratique sportive. Pourtant, l’activité physique est essentielle pour maintenir un équilibre physique et moral satisfaisant. La marche est un moyen accessible à tous, 10 000 pas par jour sont recommandés. Quant au spectre de la lumière du jour, il est nécessaire à la synthèse de la sérotonine (« l’hormone du bonheur », Ndlr). En l’absence de luminosité suffisante, l’organisme cherche à compenser par un apport augmenté en sucre, qui favorise cette synthèse. Qui ne commence pas à craquer sur les sucreries en octobre-novembre quand la lumière baisse ? Marcher aux heures les plus lumineuses aide donc à optimiser son taux de sérotonine. Les lampes de luminothérapie constituent également une aide très efficace, notamment lorsqu’on travaille dans une pièce peu éclairée de lumière naturelle. La synthèse insuffisante de sérotonine augmente le risque de dépression, déjà très présent en cette période marquée par les messages anxiogènes, l’insécurité socio-économique et la coupure des liens affectifs et sociaux. Or, les relations entre dépression et baisse du système immunitaire sont établies depuis longtemps. Agir sur son moral par la marche, la lumière et le sevrage de ces messages est donc important pour optimiser ses défenses immunitaires.
Crédit photos : Pixabay, ©CESP-Inserm, ©Institut Mutualiste Montsouris
2 Commentaires